Législatives : Message de Mgr Christian Delarbre

Pourquoi l’évêque « ne prendra pas position » dans les élections.

Message de Mgr Christian Delarbre aux fidèles catholiques du diocèse d’Aix et Arles

 

Une tribune de fidèles du Christ, paru voici quelques jours dans La Croix exige fortement que « l’Église prenne position dans les élections ».

Enfin, par Église, j’ai cru comprendre « les évêques » ou « l’institution » que l’on convoque chaque fois qu’on les veut voir conforter ses propres opinions.

Je ne prendrai pas position parce que je constate que les catholiques sont aujourd’hui divisés profondément, et que l’évêque, homme de la communion, redoute d’ajouter à la division.

Je ne prendrai pas position parce que les communautés de mon diocèse sont largement composées par endroit de fidèles de toutes nationalités, que les prêtres eux-mêmes sont des « étrangers » pour un bon tiers d’entre eux, et parce qu’ailleurs, des fidèles éprouvent un sentiment de relégation, de déclassement, de submersion et que ce n’est pas moi qui vit dans leurs quartiers et éprouve ce qu’ils ressentent.

Je ne prendrai pas position parce qu’à quoi bon, si je ne peux dire ce que je pense, par crainte d’en blesser une partie, ou que nul n’est disposé à écouter ce que je puis dire, satisfait si mes opinions lui conviennent, fâché dans le cas inverse d’un évêque « qui ferait mieux de se taire ».

Quoiqu’il en soit, mes amis, soyez certains que dans quelques temps nous paierons tous ensemble, collectivement, la facture de l’aventure dans laquelle nous sommes embarqués. Il n’y aura pas moyen de sauter en marche. Chaque vote compte et aura des conséquences profondes.

Quoiqu’il en soit, soyez aussi certain qu’aucun des partis présents n’a cure du drame des IVG en France, incroyablement plus haut que dans les autres pays européens, de la décomposition des familles, de la réelle fraternité dues aux personnes âgées et malades, des conséquences délétères de la société de consommation, des graves inégalités internationales. De ce point de vue, comme catholiques, vous demeurerez orphelins et cela ne pourra guider réellement votre vote. Cela fait un demi-siècle que les évêques, justement, « prennent position » en pure perte, avertissant sans se lasser et toujours plus en vain que tout cela atteint non pas seulement les « choix personnels » et la liberté de chacun de se déterminer, mais le tissu social sans lequel il n’existe pas de personne libre ni de sujet responsable. Nous y sommes : natalité en berne, tissu social déchiré, dictature des individualités, justification de tous les égoïsmes, absence du sens collectif et du bien commun.

Soyez aussi certain que la politique est composée par de vastes courants de fond qui s’étalent sur des décennies, voire sur des siècles, et s’ils s’incarnent dans des étiquettes diverses, des personnalités particulières, face aux défis spécifiques d’un temps donné, ils demeurent peu ou prou similaires depuis au moins la moitié du XIXème siècle. Il y en a de deux sortes. Ceux qui conduisent aux troubles sociaux et aux guerres, et ceux qui rebâtissent après les guerres. J’ai toujours choisi les seconds. Et c’est pourquoi j’irai voter.

Il se trouve que, dans ma circonscription, selon cet unique critère, j’aurai le choix entre plusieurs hommes et femmes de bonne volonté qui se sont engagés de longtemps pour le bien commun. J’invite chacun à reconnaître, dans sa propre circonscription, celles et ceux qui honorent ainsi la vocation politique,  et à choisir en conscience la personne concrète qui lui semble la plus digne de le représenter.

Je reprends et vous invite à reprendre souvent ces prochains jours la prière proposée par le Conseil permanente de la Conférence des évêques de France:

« Dieu de vérité et de bonté, en ces temps de décisions fortes pour notre pays la France,
aide-nous à discerner correctement ce qui est juste.

Renouvelle en nous, chaque matin, le goût de servir, pour que nous accomplissions nos tâches avec
cœur et garde-nous de mépriser quelque être humain que ce soit.

Viens, Esprit Saint, éclairer ceux et celles qui seront choisis comme députés ou auront à gouverner notre pays.
Qu’ils puissent ensemble chercher le meilleur pour nous tous. Imprime en eux un grand sens du service du bien commun.

Sainte Vierge Marie, sainte Jeanne d’Arc, sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, patronnes de la France, veillez sur notre pays.
Qu’il soit une terre de liberté, de justice, de fraternité et se tienne à la hauteur de sonrôle dans l’histoire.

Aidez-nous à y être, à notre modeste place mais selon toute notre responsabilité, des disciples de l’Évangile. Amen. »

 

En ce moment particulier de notre Histoire, je vous assure tous de ma prière et de ma profonde communion,

Aix, le 25 juin 2024

 

Mgr Christian Delarbre

Archevêque d’Aix et Arles